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Du cul & de la romance : L'Amant de Lady Chatterley

Dernière mise à jour : 10 août 2023


 

[Article rédigé par Lisa C.]

 

Tu te sens un peu paresseux ? Ça tombe bien, j'ai tout prévu pour la larve que tu es : tu peux retrouver cet article en format résumé-carrousel sur Instagram ou même sous forme de courte vidéo sur Tiktok (@pimpmyculture).


 

Déjà, avant toute chose, si tu le veux bien, j'aimerais avoir ton avis...

Tromper son mari car il est incapable d'avoir des rapports sexuels après être revenu handicapé de la guerre, c’est…

  • MAL

  • Pas ouf mais ça se comprend

  • Parfaitement normal oh

 
« Je travaille toujours à la même chose : rendre la relation sexuelle authentique et précieuse au lieu de honteuse. Et c’est dans ce roman que je suis allé le plus loin. Pour moi, il est beau, tendre et frêle comme le moi dans sa nudité. »

Lettre de D.H. Lawrence à Nancy Pearn, le 12 avril 1927


Scandale !


Nous sommes en Angleterre, en 1928, et David Herbert Lawrence - D.H. Lawrence, publie enfin son roman L’Amant de Lady Chatterley. Il y raconte l’adultère entre Constance, “Connie”, et Oliver Mellors, le garde-chasse de son domaine. Avec ses nombreuses scènes de cul bien explicites, le bouquin choque profondément le public.


Et pour cause ! Lawrence s’attaque aux deux grands tabous de la société de l’époque, à savoir bien sûr le sexe, et le mélange des classes. Mais L’Amant de Lady Chatterley, ce n’est pas “que” le récit d’une aventure érotico-romantique. C’est aussi une réflexion sur les mœurs, sur la dichotomie entre le corps et l’esprit, une critique de l’avidité du monde industriel et du modernisme, et surtout, c’est une apologie de la spontanéité charnelle et du monde organique, naturel.

Alors dit comme ça, on a l’impression que L’Amant de Lady Chatterley est une œuvre hyper avant-gardiste, toute belle, toute rose, une espèce de plaidoirie écolo-socialo-libertaire, mais ce n’est pas siii tranché que ça…… Et je vais même aller plus loin, et te dire que derrière ses petits airs modernes, se cache peut-être - je dis bien peut-être - l’exact opposé de ce à quoi tu t’attends; c’est-à-dire un idéal du monde finalement plutôt tradi et conservateur.


Bon, mais pour analyser convenablement tout ça, il faut déjà savoir un peu plus précisément de quoi ça parle, ce bouquin. Donc sans plus tarder…

 

Un petit sommaire pour que tu t'y retrouves plus facilement



 

De quoi ça cause ? Résumé du bouquin (sans spoil)


L’Amant de Lady Chatterley, c’est l’histoire de Constance Reid, “Connie”, (Lady Chatterley) qui cocu bien, bien fort son mari Sir Clifford Chatterley.


Alors, on est dans les années 1920 en Grande-Bretagne, au cœur de la révolution industrielle. Plus précisément, le récit se passe à Wragby, le domaine de Sir Clifford, (qui en vérité n’est pas vraiment un domaine mais plutôt une maison pas dingue), juste à côté d’un village minier bien moche qui s’appelle Tevershall, dans la région des Midlands. Tiens, en rouge, c’est Wragby :


Bon, déjà le cadre de vie de Constance ne fait pas rêver, mais en plus, quelques mois après s’être mariée avec Clifford, il est envoyé à la guerre. Alors, il en revient, ce qui est déjà pas si mal, mais il en revient paralysé. Y compris de là “où il ne faut pas”, si tu veux. Elle s’occupe de lui un certain temps sans broncher, mais au fur et à mesure, bah ça devient carrément la déprime.



En parallèle, pour Clifford ça se passe plutôt bien : il devient écrivain et a pas mal de succès. Puisqu’il a une petite fame, les intellectuels défilent au manoir des Chatterley, ce qui permet à Constance de se rendre compte que lesdits grands penseurs sont en réalité vides et sans âme, ce qui la déprime encore plus (on la comprend).

Dans le vide de la vie de Connie arrive alors Oliver Mellors, le garde-chasse du domaine. Malgré son dédain apparent, Connie se sent curieusement attirée par sa solitude délibérée et sa sensualité naturelle. Après plusieurs rencontres fortuites au cours desquelles Oliver la tient à l’écart, lui rappelant la distance de classe qui les sépare, ils se retrouvent par hasard dans une cabane en forêt, où ils font l'amour. Dès lors, ils se rapprochent progressivement, et leur connexion s’instaure d’abord sur le plan physique, et non intellectuel.

C’est le début de leur affaire, grâce à laquelle Constance révèle toute sa sensualité, oublie ses hontes et ses complexes et découvre le véritable plaisir charnel. T’as compris, c’est bien cette relation-ci qui est au cœur du roman. À partir de là, je n’en dis pas plus pour éviter les spoils !

Mais, comme je te l’ai déjà dit, L’Amant de Lady Chatterley ce n’est pas “juste” une grande histoire romantico-érotique. C’est l’histoire d’une double transgression - conjugale et sociale - dont on va parler maintenant

 

L’Amant de Lady Chatterley, l’histoire d’une double transgression


Une transgression des moeurs : du cul, du cul & encore du cul


Bon, notre cher Lawrence, avec son bouquin, il apporte une vision plutôt audacieuse pour l’époque. Et donc, pas très acceptable.


Pour lui, pas d’amour sans sexe. Et surtout, l’amour vient après le sexe. On n’est pas sur un traditionnel “wahou ils tombent trop amoureux du coup ils se marient et cèdent enfin à la tentation et hoplà la gonzesse se retrouve enceinte”. Non non. Pour D.H., qui dit amour, dit cul. Direct. Selon lui, il est impossible d'aimer une personne de façon romantique sans avoir de relations sexuelles avec elle. Un mariage sans cul ? Pouah, jamais de la vie.


Chez Lawrence, l'amour est le moyen par lequel le sexe s'exprime, et non l’inverse. En d’autres termes, la fonction de l’amour, c’est le cul. Eh ouais, pour D.H., l’amour tout seul, ça ne sert à rien. En revanche, ça sert à avoir de “vrais” rapports sexuels, beaucoup plus intenses. Ça sert à niquer comme on est censés niquer : sans amour, le cul c’est mécanique, et c’est naze. Pour Lawrence, ça ne compte pas comme du vrai sexe.


Alors ça pourrait s’arrêter là. Lawrence pourrait faire passer le message plus ou moins délicatement. Mais non, surtout pas : il nous pond des descriptions bieen détaillées des scènes physiques, ce qui est évidemment absolument inacceptable pour l’époque. Bon, alors on n’est pas non plus sur du 50 nuances de Grey hein : c'est très cochon pour les années 1920s’, ça l’est un peu moins pour nous. Je te mets des petits extraits car je sais que tu es quand même un peu curieux :



Deux possibilités : soit tu trouves ça très cringe, soit tu trouves ça plutôt joli. Ce que fait aussi D.H. (et parfois de manière un peu too much, c’est vrai que j’ai ri quelques fois) : il entremêle l’éveil progressif de la nature et l’éveil érotique de Constance.

“Elle était pareille à une forêt, pareille aux sombres entrelacs de la chênaie, qui bruisse imperceptiblement de l’éclosion de milliers de bourgeons. Cependant, les oiseaux du désir sommeillaient dans les vastes dédales de son corps.” (avoue c’est joli).

Cet éveil érotique passe par une prise de conscience de son corps, qu’elle avait jusqu’alors oublié, voire nié. La nature l’aide en stimulant ses sens. Vue, odorat, toucher : chaque rencontre végétale ou animale lui permet de mieux s’appréhender, de se découvrir, de se révéler.


Et les références à la nature ne s’arrêtent pas là : elles sont aussi omniprésentes dans les scènes physiques, les scènes de uc si tu préfères.

“Alors que son corps était ouvert et doux, et criait doucement, comme une anémone de mer prise dans la marée, criant pour qu’il revienne encore et la fasse jouir, elle. Elle s’accrochait à lui, perdue dans la passion, et il ne se retira pas tout à fait d’elle, et elle sentit le doux bourgeon qui remuait en elle (…)”.

Bon voilà, après nous, à notre époque, on a les titres des vidéos pornhub pour ce qui est de la poésie érotique. Comme quoi, il y a des choses qui ne se perdent pas ! #comparerl’incomparable.


Bon tu t’en doutes, un truc aussi cru ça passe moyen au début du XXe siècle. Ça vaut à D.H. Lawrence d’être traité de pornographe et évidemment d’être totalement censuré. Bon, en réalité, tous ces détails sexuels ne sont pas là que parce que Lawrence est un peu coquin sur les bords. Non : ils ont une véritable fonction philosophique. D.H. ne parle pas vraiment de sexe pour parler de sexe, ni pour seulement promouvoir sa vision de l’amour comme moyen d’expression du sexe - ça va plus loin que ça, mais on y reviendra plus tard !

 

Une transgression sociale : quand l’aristo nique avec le roturier


Bon, jusqu’ici normalement tu comprends déjà pourquoi le livre a fait du boucan. Alors certes, les passages explicitement sexuels et autres descriptions un peu houleuses n’y sont pas pour rien...


Toutefois, en réalité, ce qui a davantage choqué, c'est le fait qu’Oliver et Constance entretiennent une relation intime malgré leur différence de statut social.



En effet Constance est issue de l’aristocratie, Mellors n’est qu’un “vulgaire roturier” (la honte…….). En fait, ce mélange (très) peu conventionnel illustre bien la période de bouleversements économiques et sociaux que connaît la Grande-Bretagne au début du XXe siècle. Dans les années 1900 et suite à la Première Guerre mondiale, les hiérarchies de classe et les valeurs économiques traditionnelles sont soumises à un examen approfondi. L’histoire de L’Amant de Lady Chatterley illustre bien cette période d'évolution charnière, où tous les anciens usages sont réinterrogés. Alors entendons-nous bien : certainement pas suffisamment pour que cette liaison soit perçue comme décente ou convenable - simplement, elle exemplifie ces questionnements émergents.


En fait, ce que fait Lawrence à travers l’aventure de Connie et Mellors, c’est militer pour une plus ample liberté sexuelle. On l’a vu plus haut, il attribue au sexe une importance particulière. Du coup, bah les restrictions du type ne pas pouvoir niquer avec quelqu’un qui n’appartient pas à la même catégorie sociale que soi, il n’apprécie pas trop. L’union qu’il dépeint dans son livre est donc l’occasion d’incarner cette opinion.


MAIS ATTENTION, jusqu’ici, on pourrait croire que Lawrence est résolument moderne : waouh, il est contre toute forme de catégorisation sociale, il milite pour un sexe libre, indépendant, spontané… Alors non : pas du tout. En fait D.H. est même globalement plutôt vieux jeu. “Hein quoi mais comment je comprends plus rieng”. Oui, alors c’est un peu trompeur au premier abord, mais on va démêler tout ça ensemble dans la suite.


 

Féminité & masculinité chez Lawrence : mmh, un roman peut-être pas si transgressif que ça ?


Rappelons rapidement les éléments qu’on a amassés jusqu’ici : c’est l’histoire d’une femme qui, coincée dans le monde aristocratique, finit par enfin prendre son pied en couchant avec son garde-chasse. Ça parle de cul, ça choque, ça ratatine les barrières sociales de l’Angleterre ultra-puritaine des années 1920s, et j’ose te dire que non, ce n’est pas un roman siii moderne que ça ?


Pour te le prouver, je vais directement dans le vif du sujet. On va se pencher un peu plus sur la vision de la féminité, et particulièrement de la sexualité féminine de notre cher Lawrence.


⚠️ je ne suis AUCUNEMENT en train de juger de manière complètement anachronique la vision des femmes d’un type qui a vécu 100 ans plus tôt, je précise hein. Je fais des blagounettes pour les blagounettes et il ne faut surtout pas y voir une espèce de ton sarcastico-moralisato-moqueur je ne sais quoi ⚠️

 

Femme, range ce clito que je ne saurais voir !


Pour te mettre dans le bain, puis-je mieux faire que de montrer cette petite anecdote d’Oliver Mellors à propos de son ex-femme ? (tw violences sexuelles) :

« C’était un démon. Elle aimait tout de l’amour, sauf le sexe. Elle était tendre et caressante, et elle s’insinuait en vous de toutes les manières. Mais si on la forçait à aller plus loin et à faire l’amour, elle serrait les dents et c’était de la haine qui sortait d’elle. Je la forçais à faire l’amour, mais sa haine me paralysait, tout simplement. Alors voilà, encore une fois je me trouvais devant un obstacle. Et j’avais horreur de tout cela. Il me fallait une femme qui me voulait moi, et voulait ça aussi. »

Mais tu pourrais te dire qu’Oliver n’est qu’un personnage, que ce n’est pas Lawrence qui est en train de parler. Bah… En fait, si. Ce que raconte Oliver rejoint parfaitement la vision du sexe de son auteur que j’évoquais au début : l’amour sans sexe, ça n’a aucun foutu sens. Dans une relation amoureuse, tu DOIS des rapports sexuels à l'autre.


Cela illustre également sa conception très phallocentrique (=tendance de la psychanalyse privilégiant le rapport au phallus dans la conception de la sexualité féminine) des rapports intimes. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que D.H. pense qu’il n’y a qu’une seule façon de vraiment jouir pour les femmes : par la pénétration. Tout ce qui est clito et compagnie, t’oublies, on s’en fout, voire c’est carrément un manque de respect envers l’homme d’essayer de s’en servir. Dans le charmant passage suivant, Mellors compare le clito à un “bec” (toujours à propos de son ex-femme) : “(…) Elle n’éprouvait rien quand c’était moi qui menais les opérations. Il lui fallait agir elle-même, moudre son propre café. Et ça la reprenait comme un accès de folie, elle ne pouvait plus se retenir, et elle déchirait, déchirait, comme si elle n’avait de sensation qu’au bout de son bec, à la pointe tout en haut à l’extérieur, qui frottait et déchirait. (…) C’était une sorte d’entêtement mauvais qu’elle avait, un entêtement de délire, comme une femme qui boit.”


Une pensée émue pour cette femme qui devait bien se faire chier au lit (et oui au passage il compare bien le fait de se stimuler le clito à un problème d’alcoolisme hein).



Bon du coup tu t’en doutes, puisque Lawrence nous parle d’une espèce de relation physiquement fusionnelle entre Mellors et Connie, bah Connie, elle, elle s’en cogne de son clito (oui oui tqt Oliver). Connie, c’est la femme parfaite aux yeux de D.H., celle qui n’a besoin que de la grande poutre sacrée masculine pour se sentir satisfaite, celle qui “frissonne sous la puissante et inexorable pénétration en elle” !

Et quand je dis poutre sacrée, ce n’est pas que pour l’effet dramatique, puisqu’on dirait bien que chez Lawrence la pénétration a une dimension presque un peu mystique : “ce fut une étrange et lente avancée de paix, la sombre avancée de la paix, d’une tendresse pesante, primordiale, telle que celle qui fit le monde aux origines.” Carrément hein.


Bon, il faut savoir que Lawrence critique les femmes de bien d’autres manières, que je t'épargne. Mais d’où ça lui vient ? En plus de l’influence, tout bêtement, de la société anglaise à cette époque qui était pas franchement à fond sur le clito, on soupçonne que l’emprise de sa mère, puis celle de sa femme Frieda, alliées à un trauma de jeunesse (en 1901, des ouvrières de l’usine où Lawrence bossait en tant qu’apprenti le malmènent et le dénudent) ont contribué à sa crainte et sa haine du sexe féminin.


Tout ça pourrait expliquer (partiellement) certains thèmes de son oeuvre : la misogynie, le viol, “la solitude nécessaire, l'obligation de rompre le cordon ombilical et d'annuler le passé, thèmes qui ne manifestent jamais le vulgaire désir d'une liberté facile, mais dénotent les sursauts intimes d'une nature guettée par l'autodestruction.” Évidemment, les analyses psy à posteriori, ça a BEAUCOUP de limites, mais ça donne un peu de contexte (sans nécessairement donner d’excuses hein).


Mais dans tous les cas, rassure-toi (ou pas), en réalité, lorsque D.H. houspille les femmes, il incrimine les hommes. Bah ouais, si les hommes étaient de vrais hommes (dit-il toujours via Mellors), les femmes seraient de vraies femmes. Logique.


Voilà qui nous amène donc à nous intéresser à sa vision de la gent masculine.

 

Et la masculinité du coup, ça donne quoi ?


Toi qui lis ces lignes, es-tu en possession d’organes génitaux masculins ? Si oui, D.H Lawrence aimerait vraiment beaucoup que tu lâches immédiatement cet écran, et qu’à la place tu fasses quelque chose de vraiment viril, genre faire un feu ou construire une cabane.


Bah ouais, un homme, c’est fait pour les tâches dures, intenses. Lire ? Activité de couard. Écrire ? Pareil. L’éjaculation précoce ? Quoi ? Tu penses vraiment être un homme alors que tu ne sais même pas retenir convenablement ta semence ? Bon, et la connaissance des machines, c’est viril ça, non ? Non bah non toujours pas. Autant te dire que si t’es un ingénieur précoce qui aime lire, pour Lawrence, t’es plus ou moins responsable de tout ce qui va mal dans le monde. Pour reprendre les mots de D.H., en somme, il est temps de t’en “faire pousser une paire”……. (évidemment je ne pense pas tout ça hein). Du coup, tu l’as compris :

  • Sir Clifford incarne l’homme émasculé (non seulement physiquement impuissant mais perdant aussi peu à peu sa virilité symbolique), puisqu’il ne se consacre qu’à des activités intellectuelles (puis industrielles, mais ça aussi c’est un truc de fragile selon Lawrence).

  • À l’inverse, Mellors, c’est la masculinité même : son travail est principalement manuel, il est en permanence au contact de la nature… et sexuellement, évidemment, c’est le top du top, celui avec qui Constance prendra enfin son pied.

 

Charmant, et du coup, c'est quoi son idéal des relations entre hommes et femmes ?


On a vu ce que pensait Lawrence des femmes, de la féminité, puis des hommes et de la masculinité…. Mais qu’est-ce qu’il pense des relations entre hommes et femmes ?


Rappelons-le, D.H. prône un idéal de spontanéité dans les rapports sexuels, de naturel, d’intensité… Pareil, en apparence, on pourrait croire que sa vision du couple tend vers la modernité. Toujours pas.


En fait, au fur et à mesure de la lecture, on se rend compte que l’objectif ultime des protagonistes est loin d’être disruptif : tous deux cherchent à se marier de manière tout à fait conventionnelle, ont une vie sexuelle dans laquelle Oliver est le partenaire dominant, et dans laquelle Connie joue le rôle passif de “réceptrice” (mdr terrible ce terme). Ils veulent tous les deux des gosses, et grosso modo, une vie de couple marié assez classique.


En fait, la principale préoccupation du roman - bien qu'il s'intéresse aussi à la liberté sexuelle, aux barrières de classe et aux pièges de la modernité - est ce que Lawrence considère comme l'incapacité du moi moderne à unir l'esprit et le corps. D’après lui, sans prise de conscience du corps, et du sexe, l’esprit est condamné à errer sans but dans l’aridité du monde industriel contemporain.


Et c’est donc à cette idée du sexe comme outil de réconciliation entre le corps et l’esprit qu’on va maintenant s’intéresser (ehe).

 

Le cul, outil de réconciliation entre le corps et l’esprit & de critique de l'industrialisation


Au diable l’intellectualisme qui prône la supériorité de l’esprit sur le corps !


Sommes-nous des esprits vivant dans des corps, ou sommes-nous des corps qui possèdent par hasard un esprit ? L'esprit fait-il partie du corps, ou est-ce quelque chose de différent ? En tout cas, Lawrence fait une très franche distinction entre les deux. Et si on lui demandait de choisir, ce n'est pas vraiment l’esprit qu’il choisirait en premier. En fait, grosso modo, pour lui, le monde se porterait bien mieux si les gens réfléchissaient moins et faisaient plus l'amour.


Effectivement, dans tous ses écrits, D.H. cherche à réhabiliter le charnel et la spontanéité naturelle de l’homme qui seraient, selon lui, écrasés par le développement de la civilisation et de l’intellect. Au début du roman, il s’attriste de l’état de l’Angleterre puritaine des années 20 :

“Les conversations, les discussions, voilà ce qui comptait : les rapports charnels et amoureux n’étaient rien d’autre qu’un retour à l’instinct, et même une sorte de retombée.”

Évidemment, la relation entre Clifford et Constance illustre parfaitement cela :

“Clifford était arrivé vierge au mariage, et le côté sexuel ne comptait guère pour lui. Il y avait tellement d’autres choses entre elle et lui. Connie se glorifiait un peu de cette intimité, qui se situait au-delà du sexe, et au-delà de la “satisfaction” de l’homme. (...) Non : l’intimité était plus profonde et plus personnelle que cela. Le sexe était seulement accidentel, accessoire, l’une de ces persistances embarrassantes, anachroniques mais superflues de l’organisme.”

Autant te dire que ça, c’est une vision complètement à l’opposé de celle de D.H., précisément ce qu’il reproche au monde moderne intellectuel. Du coup, à l’inverse, Mellors incarne l’idéal de l’auteur. Homme libre, instinctif, il apparaît bien supérieur à Clifford et ses potes intellectuels. Lorsque Connie rencontre Oliver, il est présenté comme son sauveur : elle qui était prisonnière de ces murs de mots, commence enfin à vivre franchement à ses côtés.

“Pauvre Connie ! Au fil des ans, le spectre du néant la tenaillait. La vie intellectuelle de Clifford et la sienne s’étaient réduites à presque rien. Certains jours, ce mariage, cette vie homogène dont il parlait, cimentée par une intimité quotidienne, lui semblaient totalement vides et dénués de sens. Ce n‘étaient que des mots. Le néant était la seule réalité, hypocritement camouflée par des mots.”

Bref, t’as compris, les mots c’est naze, le cul… c’est mieux. Non en vrai, c’est plus nuancé que ça. S’il reproche aux jeunes aristocrates de son époque de vivre une vie “tout esprit” qui ignore les besoins intimes humains, il critique également ceux qui n’existent que pour la poursuite de leurs désirs corporels. En somme, ce que fait Lawrence, c’est prôner une sexualité libre qui “dépasse (...) en importance l’acte sexuel lui-même”, tout en étant “autant contre la perversion du puritanisme que contre celle du libertinage”.


L'Amant de Lady Chatterley plaide donc principalement en faveur d'un respect plus ou moins égal de l'esprit et du corps. Effectivement, tout au long du roman, tous les personnages luttent pour concilier corps et esprit.

  • Certes, la relation entre Constance et Clifford apparaît déséquilibrée car trop cérébrale...

  • ... Mais celle entre Constance et Mellors l’est tout autant, puisqu’au début, purement physique.

Mais peu à peu, la résistance du garde-chasse à toute connexion émotionnelle s’atténue, car il reconnaît la part de spirituel qu’implique l’amour physique. Parallèlement, l’attitude de Connie à l’égard du sexe évolue tout au long du roman. Initialement, elle perçoit l’acte sexuel comme dégoûtant (au pire) ou inutile (au mieux). Or, elle finit par l’embrasser. Les deux personnages semblent donc se rencontrer en un point d’équilibre, partageant une connexion à la fois du corps et de l’esprit.


Mais pourquoi c’est si important ? Parce que pour Lawrence, les hommes et les femmes n'ont pas seulement besoin d’apprécier la sexualité pour avoir des relations correctes les uns avec les autres ; ils en ont besoin pour vivre heureux dans le monde. L’amour du sexe est ce qui permet de conserver sa dignité humaine et son individualité dans l'atmosphère déshumanisante créée par la cupidité moderne et les injustices du système de classes. C’est ce qui permet de lutter contre la dureté insensible du monde industriel et de redonner un peu de beauté et de réalité à la vie (belle inspi pour ta prochaine pickup line tinder).


C'est à dire : L'Amant de Lady Chatterley a été conçu comme un appel au réveil, un appel à s'éloigner de l'hyper-intellectualisme embrassé par tant de modernistes, et à adopter une approche équilibrée dans laquelle l'esprit et le corps ont une valeur égale. C'est la méthode utilisée par le roman qui a rendu ce cri d'alarme si radical - pour l'époque - et si efficace.

 

L’industrialisation, c’est naze.


Du coup, tu l’as compris, même si en soi l’aventure charnelle de Connie et Oliver est au cœur du roman, leur connexion sexuelle représente une sorte d’idéal antagoniste à celui promu par l’industrialisation. Mais, qu’est-ce que Lawrence reproche plus précisément à l’industrialisation, et comment cela se manifeste t-il dans le roman ?


Alors, déjà, on l’a vu, d’après lui l’industrialisation et l’intellectualisme créent une fracture encore le corps et l’esprit. Au nom de la “civilisation”, le sexe, et donc les besoins corporels naturels, sont relégués au rang de pulsion sauvage, barbare, dégradante. Seuls comptent l’intellect, la pensée, les échanges spirituels et donc les relations “entre esprits”. Or, ce déséquilibre empêche toute forme d’épanouissement. Ainsi, les relations entre hommes et femmes ne peuvent former qu’un "cycle de douleur et de damnation”.

“Ce n’était pas la faute de la femme, ni même celle de l’amour, ni la faute du sexe. La faute venait de là-bas, de ces méchantes lumières électriques et des sataniques grincements des machines. Là-bas, dans cette voracité mécanique, et dans l’avidité mécanisée, étincelante de lumières, crachant son métal brûlant, avec ses véhicules grondants, là-bas était le fléau, prêt à détruire tout ce qui ne s’y intégrait pas. (...) Toutes les choses vulnérables devraient périr sous l’implacable déferlement du fer.”

Voilà. Rien que ça. Mais Lawrence fustige également l’industrialisation pour le système d’exploitation sur laquelle elle repose, notamment celui des mineurs (son père en était un).

“C’était un monde de fer et de charbon, la cruauté du fer et de la fumée du charbon et l’avidité incessante et sans fin qui contrôlait tout. Rien que de l’avidité, une avidité incessante et sans fin qui contrôlait tout.”

Pour lui, l’industrialisation est violente, profondément déshumanisante. Évidemment, ce rejet de l'industrialisation est illustré, une fois encore, par les relations amoureuses de Connie. Bien qu’elle se détache progressivement de Clifford tout au long du roman, la distance entre eux se creuse brusquement lorsque son mari s'engoue pour les mines de charbon. Tout comme Mellors, elle refuse tout rapprochement avec le monde industriel. Ils y préfèrent la nature, le monde organique, libre. De même, le contraste entre le village minier de Tevershall et le domaine florissant de Wragby image l’opposition entre monde moderne et monde organique.


Bon du coup, jusqu’ici tu pourrais croire que waouh Lawrence quel avant-gardiste de gauche, il s’intéresse trop aux inégalités de classes, tout ça. Est-ce que L’Amant de Lady Chatterley ne serait pas finalement une espèce de plaidoirie sociale ? Est-ce que le fait de lier une aristo et un roturier ne serait pas une façon pour D.H. de dire youhou regardez les pauvres sont comme tout le monde voire meilleurs que les nobles aha ??


Bah pas du tout.


Ce qu’il y a de sympa avec Lawrence, c’est qu’il déteste tout le monde. Oui oui. Jusqu’ici, j’ai surtout parlé de sa haine du monde intellectuel et de l’aristocratie… Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’il déteste au moins autant les classes ouvrières. Alors tu vas me dire que Mellors en est issu et qu’il est présenté de manière relativement méliorative comparé aux autres personnages : oui, mais ça, c’est parce qu’il s’élève au-dessus de sa condition. C’est parce qu’Oliver incarne moins une classe sociale définie que l’idéal de liberté, de spontanéité, de naturel que promeut D.H.


Comment est-ce qu’on est sûrs de ça ? Bah, parce que les différents personnages disent un paquet de dégueulasserie sur les classes ouvrières tout le long du roman.

  • Mme Bolton, l’infirmière de Clifford, dit par exemple que les mineurs, malgré leurs revendications sociales,n’ont pas assez de cervelle pour être socialistes. Ils ne sont pas assez sérieux pour prendre quoi que ce soit au sérieux, et ils ne le seront jamais.”

  • Connie résume bien l’avis de Lawrence : “les basses classes étaient tout à fait pareilles aux autres classes. Elles se valent toutes (...). De nos jours, une seule et même classe : celle du fric”.

  • De la même façon, Mellors, qui appartient pourtant à la classe ouvrière, n’est pas plus tendre : “Il avait trouvé chez les gens de la classe moyenne ou des hautes classes une dureté, une sécheresse empesée, une absence de vie réfrigérante (...). Il était donc revenu vers ceux de sa classe. Il y avait retrouvé ce qu’il avait oublié au cours des années : une mesquinerie et une vulgarité absolument détestables.”

Plus globalement, Lawrence compare les classes ouvrières à des créatures animales, presque à des machines, qui existent pour servir. Bref, t’as compris, tout le monde en prend pour son grade.


Mais du coup, tu dois t’interroger : si Lawrence déteste tout le monde, à quoi ressemble son idéal de société ?


Justement, j’y viens.

 

L’idéal de Lawrence : un retour à la nature… mais peut-être pas la nature comme tu te l’imagines.


Depuis le début Lawrence oppose Sir Clifford d’un côté, et Oliver Mellors de l’autre. Il crache sur le premier, qui représente l’aristocratie intellectuelle et l’industrie, et honore le second, qui incarne la virilité, la vraie - et la vie en accord avec les principes du monde organique. Donc, logiquement, on comprend que l’idéal de D.H., c’est ça : une existence en harmonie avec la nature.


La sacralisation de la nature chez Lawrence


Et en effet, on se rend rapidement compte que des longs passages effusifs sur la beauté des bois jusqu'aux petites allusions évasives ou métaphoriques, les références à la faune et à la flore sont omniprésentes.

“Elle arriva à la clairière, à l’extrémité du bois, aperçut le cottage aux pierres marbrées de vert, qui, réchauffé par un brusque éclat de soleil, avait des tons nacrés de chair, comme les dessous d’un champignon. (...) Elle avait une excuse : voir les jonquilles. Elles étaient bien là, ces fleurs aux courtes tiges, bruissantes, palpitantes, frissonnantes, si gaies et si vives (...) Immobile et seule, il lui semblait alors retrouver le courant de sa véritable destinée”.

On sent bien à travers ces lignes le contraste entre le monde moderne, industriel, mécanique, intellectuel, sans âme, et la beauté, l’abondance, la luxuriance naturelle. De plus, le ton enthousiaste - presque sexuel - des descriptions de la faune et de la flore s’oppose radicalement avec le traitement cynique et ironique des protagonistes humains de la part de Lawrence.

Bon, tu commences à comprendre le schéma, évidemment, là encore Mellors incarne cette proximité avec la nature, et Clifford l’éloignement : Mellors est un garde-chasse qui vit dans un bois dans un petit chalet et une cabane ; Clifford vit dans une grande maison de campagne avec des domestiques. Mellors erre librement dans le bois et dans le monde, tandis que Sir Clifford est confiné dans un fauteuil roulant, résultat d'une guerre industrialisée...


Lawrence semble même aller jusqu’à faire de la nature un objet de culte. Comment ? À travers la voix d’Oliver, il fait explicitement référence au dieu Pan, le dieu “des bergers, des pâturages et des bois” dans la mythologie grecque. D’après lui, les paysans "devraient être vivants et fringants, et reconnaître le grand dieu Pan. C'est le seul dieu pour les masses, pour toujours". Autrement dit, au lieu des églises sombres et déprimantes, c’est vers la nature que le peuple devrait se tourner. C’est elle qu’il devrait vénérer…

 

Mais si c’était pour dire ça, il n’était pas vraiment obligé de parler autant cul Lawrence, si ?


En voilà une bonne question ! C’est-à-dire que le point de départ de la critique du monde moderne, industriel - qui s’oppose donc à l’idéal de Lawrence, le monde organique, c’est le déséquilibre qu’il engendre entre le corps et l’esprit. Or, le sexe est l’illustration dont se sert D.H. pour réhabiliter le corps. De plus, pour lui, le sexe est profondément naturel; le sexe, c’est la nature.

Et du coup, on comprend bien que lorsqu’Oliver étreint Connie, ils se lient en réalité à un courant plus vaste que celui qui s’établit entre eux, ils se lient à la nature, à la terre, aux étoiles… En d’autres termes, défendre la liaison charnelle, spontanée, puisqu’elle est profondément naturelle, c’est refuser le monde industriel - qui l’empêche -, et soutenir la nécessité d’un rapprochement nouveau entre l’homme et le monde organique.


En effet, dans L’Amant de Lady Chatterley, D.H. traite la sexualité comme un fait de nature, un phénomène biologique naturel. Il souligne la continuité entre la nature dans son ensemble, et une de ses composantes : le comportement sexuel humain. C’est pourquoi les passages à propos des ébats amoureux entre Mellors et Constance sont si naturalistes : il les décrit comme il décrirait n’importe quelle conduite biologique naturelle, puisque le sexe entre deux individus en est une parmi d’autres. Bref, ce sur quoi insiste Lawrence, c’est que le sexe appartient à la nature, et que c’est très bien comme ça.


Ainsi, le corps apparaît comme un lieu d'innocence et de splendeur pré-civilisationnelle - rien dont il faille avoir honte, rien qu'il faille cacher ou euphémiser. D’où les descriptions détaillées… L’intention de D.H. n’était pas de choquer, il voulait simplement reconnaître, réfléchir, faire un roman réaliste, et non pas idéalisé, lâche ou simplement faux par rapport aux faits. Il n'y a rien d'émoustillant ou de pornographique dans la façon dont il dépeint le sexe; il te donne simplement les détails, la façon dont les choses sont réellement (ou étaient à cette époque). Puisque c’est naturel. Et comme la nature c’est formidable, bah il n’y a aucune raison de se priver.


En somme, dans L’Amant de Lady Chatterley, il ne s'agit pas de raconter les petits jeux coquins avec le garde-chasse - il s’agit d'une tentative de libérer le sexe de ses associations conventionnelles et de le ramener à notre nature organique. Les fleurs, les faisans, le bois et les amants - tous appartiennent au schéma naturel des choses. Et tous contrastent avec les horreurs de la vie ouvrière industrialisée et la raideur sèche de l'aristocratie britannique.

 

La nature oui… mais, précisément, qu’est-ce que la nature pour Lawrence ?


Bon, jusqu’ici, ça a l’air charmant, non ? Un joli retour à la nature, à l’écoute de nos corps, de nos désirs, à la liberté charnelle… Uhm, certes, mais pour Lawrence, la “nature”, bah ça comprend des trucs auxquels t’as peut-être pas forcément pensé. Des trucs qu’aujourd’hui, on n’associe plus vraiment à l’état naturel…


Déjà rappelons-le : la vision de la féminité et de la masculinité dont j’ai parlée au début de cet article, bah pour Lawrence, entre parfaitement dans le package “c’est la nature”. Donc pour lui, jouir avec le clito, c’est pas naturel, être une femme entreprenante au lit, c’est pas naturel, être un mec qui lit des livres au lieu de faire des trucs vraiment virils, c’est pas naturel, ne pas se marier pour avoir des gosses, c’est pas naturel, etc, etc. Et si ce n’est pas naturel, alors on ne doit pas le faire. Si tu veux, D.H. prône certes un retour à la nature, mais pour lui la nature implique un paquet d'éléments qu’aujourd’hui on taxerait de conservateurs et/ou de plus ou moins socialement construits.


Dans ce package de trucs relativement socialement construits que Lawrence considère “naturels”, il y a par exemple les rôles sociaux. Pour lui, les statuts sociaux sont prédéterminés biologiquement. Il y a des hommes nés pour diriger, et d’autres pour servir. Donc, toujours d’après lui, une société très hiérarchisée, aux rôles très nettement découpés, sans la moindre opportunité de mobilité sociale, c’est idéal; puisqu’il pense que c’est parfaitement naturel. Bah ouais, si tu penses que chaque homme naît avec une fonction précise, tu n’as aucune raison de considérer qu’il y a un intérêt quelconque à donner des possibilités de choix ou d’évolution. Comme tout le monde est “naturellement à sa place”, alors tout doit rester figé, puisque la nature optimise au mieux la répartition des rôles.

C’est pour ça qu’il s’oppose aux catégories sociales de la société industrielle : le problème ce n’est pas l'existence de catégories en soi, c’est qu'elles ne correspondent pas nécessairement aux catégories naturelles. Donc ça ne fonctionne pas. En revanche, si on imagine qu’une poignée d'hommes est née pour gouverner, et une immense majorité pour servir, alors un bon vieux système féodal, bah ça ne lui pose aucun souci. Du moment que ce sont bien les hommes nés pour gouverner qui gouvernent. Tu vois l’idée ? D’après lui, si on suivait ça, alors tout le monde vivrait une merveilleuse relation de symbiose mutuelle parfaite, où ceux qui dirigent dirigent, ceux qui doivent servir servent, et où les femmes sont de vraies femmes et les hommes de vrais hommes. Voili voilou.


Mais les positions politiques de Lawrence restent assez peu claires. S’il a l’air de s’opposer à la démocratie, qu’il estime subordonner l’individu aux sensibilités de l’homme “moyen”, il crache tout autant sur le fascisme et le socialisme soviétique. Dans son essai Democracy, qu’il écrit vers la fin des années 20, il plaide néanmoins pour une nouvelle forme de démocratie, dans laquelle...

“Chaque homme sera spontanément lui-même - chaque homme lui-même, chaque femme elle-même, sans qu'aucune question d'égalité ou d'inégalité n'entre en ligne de compte ; et aucun homme n'essaiera de déterminer l'être d'un autre homme ou d'une autre femme”

... Ce qui finalement rejoint ce je disais plus haut : du moment que chacun respecte sa place “naturelle”, notre ami Lawrence, il est parfaitement content.

 

L’Amant de Lady Chatterley, c’est donc très loin d’être “juste” un roman un peu provocant qui parle de cul. À travers la liaison érotico-romantique de Constance et d’Oliver, D.H. Lawrence enquiquine certes un peu les puritains anglais de l’époque - mais il prône surtout la réconciliation du corps et de l’esprit, désunis par l’industrialisation et l’hypra-intellectualisme naissant. Ainsi, il se sert du sexe - qu’il estime purement naturel - pour promouvoir son idéal de retour au monde organique.

Évidemment, c’est un ouvrage qui a marqué l’histoire de la littérature anglaise, et qui a eu droit à plusieurs adaptations. La première version est française, et nous vient de Marc Allégret, en 1955… Et la plus récente, tu peux actuellement la retrouver sur Netflix, réalisée par Laure de Clermont-Tonnerre, avec Emma Corrin (l’actrice de The Crown) dans le rôle-phare. Bon, on retrouve difficilement les éléments d’analyse que j’ai cités ici, mais ça reste une jolie mise en image du roman de Lawrence. Néanmoins j’y ai quand même largement préféré le bouquin, que je te recommande très très vivement !


 

Et comme promis, voici la fiche récap !


 

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Sources:

  • Lawrence, D. H. (2011). L’Amant de Lady Chatterley (Classiques) (French Edition). Le Livre de Poche.

  • Lawrence & Fourier. (2016). Défense de Lady Chatterley (French Edition). DIFFERENCE.

  • L’Express. (2008, 10 juillet). D.H. Lawrence - Volupté à l’heure du thé. L’Express. https://www.lexpress.fr/culture/livre/l-amant-de-lady-chatterley-herbert-lawrence-david_822953.html

  • Littéraire, B. (2017, 29 juin). L’amant de Lady Chatterley de D.H Lawrence : La revanche du phallus. BUZZ. . . littéraire : Critiques livres, romans et analyse. http://www.buzz-litteraire.com/200704131196-l-amant-de-lady-chatterley-dh-lawrence/

  • Universalis‎, E. (s. d.). DAVID HERBERT LAWRENCE. Encyclopædia Universalis. https://www.universalis.fr/encyclopedie/david-herbert-lawrence/2-hantises-sexuelles/


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